Bon on a bien compris…La situation actuelle impacte tout le monde…Oui, mais peut-être pas de la même manière, car chaque personne se trouve dans des contextes de vie différents, avec des trajectoires spécifiques, des privilèges ou non-privilèges de classes, de genre, d’orientation sexuelle, de validisme, de race social particulières… tout cela joue dans les manières de vivre, de se raconter nos confinements ou même de ne pas vivre le confinement #soignant.e.s #caissières… Nous proposons 3 « bouts » de récits et analyses de confinements dans cet édito : le confinement au Burkina Faso avec critique néocoloniale, le confinement au Soudan un an après la révolution et confinement vs travail : les injonctions contradictoires des politiques et conséquences pour le CRIDEV.
– Le confinement au Burkina Faso ça dit quoi …
« Avec à ce jour 609 cas confirmés et 39 décès, le Burkina Faso est le pays le plus touché en Afrique de l’Ouest. Les premiers cas sont apparus la première dizaine de Mars, touchant une autorité religieuse et des personnalités politiques du gouvernement…
Dès mi-mars la plupart des mesures de confinement mises en place par l’OMS et les pays occidentaux, vont être rapidement adoptées, sous couvert de mesures d’urgences et indifféremment des conséquences sur le vécu des populations.
Toutes fois, le confinement total ne va pas être adopté, c’est un couvre-feu à partir de 19h qui va être mis en place.
Si en grande partie des intellectuels et des fonctionnaires vont trouver ces mesures justifiées et tenables, la plupart de la population active à l’informel, va au fur et à mesure bouder au point de sonner la révolte contre des mesures qui apparaissent désormais comme des prétextes politiques pour obtenir des financements (notamment occidentaux) qui une fois de plus ne parviendront certainement pas ? à la base ou pas vraiment comme il faut…
Est-ce sous cette pression ou est-ce encore pour singer l’occident, qu’on assiste ces jours ci à nouveau à un plan de déconfinement progressif… ? Quid des aides promises pour soutenir l’impact économique ?? Gratuité ou subvention de l’électricité et de l’eau, accessibles à moins de 1 % de la population… Et pendant que les pays occidentaux subventionnent à tout va les entreprises pour limiter la casse et le chômage… ici on met en place des « coronathon » appelant les entreprises et les individus à donner… »
N.C.
-Le confinement au Soudan, un an après la révolution…
“Je ne voulais pas mentionner la vie avant le covid-19, peut-être car elle est bien connue pour tout le monde, tout est normal soit bien, soit mal…
C’est arrivé rapidement, mais ce qui compte c’est que notre réalité a changé significativement. J’ai suivi l’actualité du covid-19 à ses débuts puis je me suis arrêtée, j’ai pensé cela arrive à chaque fois, que quelque chose va se produire qui attire l’attention du monde, puis il disparaît et nous passons à l’évènement suivant, mais ce virus a décidé de rester un peu avec nous.
Depuis que le premier cas est apparu au Soudan, je savais que la réalité est inévitable, je ne démentirai pas que la situation a commencé à m’affliger au moment où j’ai vu des superpuissances mondiales commencer à s’effondrer, des nouvelles de cadavres, d’horreur, partout. Jour après jour, j’essaie de me sortir du suivi des actualités négatives, mais c’est la réalité qui dit que je suis à la maison avec un peu de travail à distance et beaucoup de méditation.
Je ne cache pas que ma journée est joyeuse grâce à ma famille. Depuis 2013 « l’année où j’ai commencé les études à l’université », je ne me souviens plus que je suis restée aussi longtemps avec eux et elles; toujours préoccupée par les études, les ami.e.s, même les vacances devant l’écran noir. Après avoir obtenue mon diplôme, j’ai continué sur le même rythme mais au sein du monde de travail. Maintenant avec le confinement, j’étudie leurs visages doucement, leurs détails, leurs sons, leurs attitudes pour arriver à savoir ce que j’ai raté, oui je redécouvre ma famille ! Nous nous partageons de la nourriture à chaque repas, nous discutons comme des sages et nous nous battons comme les enfants, nous rions, nous nous souvenons de certaines situations qui nous ont traversées… la famille est belle !
Auparavant, je me réveillais avec l’alarme, maintenant avec les murmures de mes sœurs avec ma mère qui disent : c’est quoi le petit déjeuner ? Faul ? Flafil ? Asida ?1 …
J’ai repris de boire du thé du matin à la menthe, écouter les chansons de la révolution soudanaise, lire des livres, regarder des films, répondre aux messages que je devais pulvériser depuis longtemps, vidéo-call avec la grande famille et les amis, mais le grand succès que j’ai commencé à faire c’est la prière à temps.
Il m’arrive des moments difficiles dans le confinement, j’ai quand même du temps libre où je me souviens des gens dans ma vie ; soit ils sont morts ou encore vivants, les deux me manquent en tout cas, c’est évident mais je pense fort à des conversations qui se sont passées depuis longtemps, réactions des vivants, leurs comportements contre moi ; j’ai découvert que j’ai perdu beaucoup de temps, certains ont épuisé mes sentiments, certains ont rempli mon cœur de joie ; certaines personnes peut-être que je les ai perdues, je ne sais pas pourquoi est-ce que je pense à tout cela maintenant ?!
Le temps passe, c’est maintenant le mois de Ramadan, Oh je l’adore ! C’est toujours un mois de joie, d’être proche de Dieu et des gens, mais cette fois je ne sais pas comment je dois l’appeler ? Ramadan du fatur2 non collectif ? Pas de veillée hors de la maison, pas de Tarawih –prière-, tout va pour le mieux ! Dans l’espace de la maison de 600 m2 nous pouvons appliquer ça ! Mais si ça continue comme ça la fête sera triste, comme l’année dernière, nous étions fâché.e.s contre le gouvernement de sang, contre l’oppression, la mort de notre peuple3 .
Nous avions peur que la révolution soit volée par les milices pro-régime. Nous avions une logique de ne pas fêter la fête, mais la fête prochaine, aujourd’hui contre qui être triste ? Qui est le coupable ? Tout simplement c’est le destin et nous sommes satisfait.e.s, Al-hamdoulillah.
Ce que me rend folle dans ces jours, c’est que nous ne pouvons pas réagir aux bêtises qui se passent dans l’espace politique, seulement nous crions en utilisant nos claviers alors que les contre-révolutionnaires pro-Beshir sont à nouveau prêts à bruler ce pays4
… Nous, nous reviendrons, il est sûr que nous allons revenir encore pour consolider ce que nous avons : « Thawra »5 !
Je sais pas si ce sont les meilleurs ou les pires jours dans ma vie , je ne sais pas si je vais être infectée ou sortir de cette crise en paix, mais je suis absolument certaine que l’idée de la mort n’est pas mauvaise … En tout cas je veux continuer à vivre, ce n’est pas contradictoire mais je veux vivre car il y a des défis qui nous attendent, des prières à faire, des rires que je n’ai pas encore ri, des mots que je n’ai pas dit, des pays que je n’ai pas visité, des choses à apprendre, d’être quelque chose pour ma famille et mon pays, pour ce monde… beaucoup de raisons pour vivre !
W.A
-« Et pour les activités du CRIDEV ça dit….INJONCTIONS CONTRADICTOIRES MON AMOUR…”
#Le chômage partiel : oui…
Le 16 Mars dernier, pluie de mail dans nos boites avec comme consigne/conseil : enclenchez le chômage partiel (#Etat est là, #Etat vous soutien #Restez chez vous #Protégez vous #Gestes barrières), la CPAM vous propose également des aides…Faites le ! #Vite vite vite ! Ce qu’on fait donc, dispositif de garde d’enfant rapidement mis en route pour l’une et plus d’un mois et demi après (#les12travauxd’Asterix) nous réussissons seulement à déclencher la procédure de chômage partiel (quid des aides pour l’instant de not’cotés en tout cas #Appel à témoin) le tout pour ne pas trop couler économiquement et aussi parce que ça correspond à not’ réalité : notre travail n’étant pas de rester dans un bureau à écrire des mails ! Au total donc : 9h de travail/semaine pour la salariée en chômage partiel et qui dit garde d’enfant dit 0h de travail par semaine.
#Mais quand même…
De l’autre côté nous recevons régulièrement (bien plus qu’en temps « normal ») des mails des partenaires du CRIDEV, nous demandant ce qu’on fait, est-ce qu’on télé travaille ? Sur quels horaires ? Est-ce qu’on repère des choses chez nos adhérent.e.s, bénévoles qu’il faudrait faire remonter ?)…..Ha et puis est-ce que nous avons pensé à réaliser des formations en ligne en visio ? Ben oui faut se mettre à la page enfin…
# Du coup face à ce discours aussi claire…
Heu… OK alors nous on est perdue, on doit travailler ou on ne doit pas travailler ? Doit- on rester chez nous tout en maintenant la même cadence de travail finalement avec cette infinie obsession de rattraper le temps dit perdu ? Mais perdu pour qui au juste? Doit-on fourvoyer notre projet associatif pour répondre aux demandes de faire des formations en ligne ? (On nous a même demandé de donner nos outils de formations … mais sans faire la formation qui va avec #Lol) Comment on continue à diffuser nos/vos idées/ coup de gueule/ les paroles et analyses de ceux et celles qui continuent de se manger les violences des systèmes ? Quelle juste place et place juste ?
Et bien pour nous la question de notre juste place et place juste dans cette histoire de confinement c’est plutôt de faire comme nous le pouvons, voulons, chacun.e avec nos contraintes personnelles du quotidien, de garder du lien avec les personnes du CRIDEV et autour qui le peuvent et le souhaitent, mais les questions de jour de travail, d’horaires, de rendre compte, ça nous semble important de les laisser de côté dans ce moment où vie professionnelle, militante, personnelle s’entremêle plus que jamais…. »
E.A et E.S
Voici donc un petit aperçu de questionnements du moment qui nécessiterait qu’on les creuse de façon bien plus approfondie pour chacun d’entre eux… Y a quelques semaines, une de nous a pris le temps de gratter un petit texte intitulé « En attendant nos prochains voyages », si vous souhaitez faire une petite contribution, c’est toujours possible ( la proposition est dans le texte) :
http://blog.cridev.org/editos/en-attendant-nos-prochains-voyages/
Et si vous avez envie de revenir sur certains sujets que le CRIDEV traite et a traité ces dernières années nous venons de mettre à jour notre blog :
http://blog.cridev.org/editos/alep-guernica-du-21eme-siecle/ : Alep, Guernica du 21 ème siècle
http://blog.cridev.org/editos/linstrumentalisation-du-feminisme-au-service-des-oppresseurs/ : L’instrumentalisation du féminisme au service des oppresseurs
http://blog.cridev.org/editos/les-mobilites-un-droit-pour-toutes-et-tous/ : Les mobilités un droit pour toutes et tous.
http://blog.cridev.org/editos/cest-la-rentree-des-classes/ : C’est la rentrée des Classes
http://blog.cridev.org/les-discriminations-racistes-et-sexistes-quels-mecanismes-quels-leviers-dactions/ : Les discriminations racistes et sexistes : quels mécanismes et quels leviers d’actions ?
http://blog.cridev.org/editos/edito-ecriture-inclusive-et-liberation-de-la-parole-des-femmes/ : Ecriture inclusive et libération de la parole des femmes
http://blog.cridev.org/editos/la-tragedie-palestinienne/ : La tragédie Palestinienne
http://blog.cridev.org/editos/edito-le-privilege-heterosexuel/ : Le privilège hétérosexuel
http://blog.cridev.org/editos/islamophobie-enjeux-et-realites/ : Islamophobie, enjeux et réalités.
http://blog.cridev.org/editos/critique-de-la-solidarite-internationale/ : Critique de la Solidarité Internationale
http://blog.cridev.org/editos/oppressions-a-travers-le-monde/ : Oppressions à travers le monde
http://blog.cridev.org/editos/cogitations-de-la-rentree/ : Cogitations de la rentrée
http://blog.cridev.org/editos/les-jeunesses-africaines-en-luttes/ : Les Jeunesses Africaines en lutte
http://blog.cridev.org/editos/le-cridev-en-greve-dedito/ : Le CRIDEV en grève d’Edito
http://blog.cridev.org/editos/faire-derailler-les-dominations/ : Faire dérailler les dominations
http://blog.cridev.org/editos/de-lintime-au-politique/ : De l’intime au politique
http://blog.cridev.org/editos/travail-handicaps-et-normes-sociales-agissons-contre-les-normes-handicapantes/ : Travail, Handicaps et normes sociales, Agissons contre les normes handicapantes
http://blog.cridev.org/editos/de-la-solidarite-internationale-aux-rapports-de-domination/ : De la solidarité Internationale aux rapports de domination
http://blog.cridev.org/editos/notre-juste-place/ : Notre juste place
http://blog.cridev.org/editos/sexisme-et-patriarcat-notre-juste-place-dallie-e-part-1/ : Sexisme et Patriarcat, notre juste place d’Allié.
http://blog.cridev.org/editos/face-a-la-hogra-en-lutte-pour-repenser-son-emancipation-part-1/ : Face à la Hogra en lutte pour repenser son émancipation.
- Plats soudanais [↩]
- Fatur : c’est le déjeuner au Soudan, 1er repas après la rupture du jeûne, quand le soleil se couche pendant le Ramadan [↩]
-
Entre décembre 2018 et juin 2019, un soulèvement révolutionnaire a lieu au Soudan, le 11 avril 2019 le dictateur El Béshir est destitué, du 6 avril au 3 juin 2019, un vaste sit-in s’installe à Khartoum. Il est violemment réprimé et démantelé le 3 juin, dernier jour du Ramadan, faisant des centaines de morts, des viols, des blessé.es.
https://www.liberation.fr/debats/2019/06/12/soudan-rompre-le-silence_1733285
-
Des manifestations de soutien à l’ancien régime d’El Beshir ont lieu depuis la Révolution, notamment pendant ce mois de Ramadan 2019
https://www.lorientlejour.com/article/1214672/soudan-la-police-disperse-une-manifestation-pro-bachir.html [↩]
- Thawra signifie Révolution en arabe [↩]