en ces temps de rentrées, on se dit qu’il est temps de sortir …
de sortir des carcans qui nous restreignent, et des idéologies qui nous enferment, tant dans nos pensées que dans nos pratiques,
et nombreuses sont les nouvelles idéologies qui circulent, sécuritaires, gestionnaires, sanitaires, … à tel point que beaucoup cèdent aisément à l’idée d’endosser à son tour le rôle de contrôleur/contrôleuse.
À l’inverse, trouver des voies de libération en cette période ce n’est pas la chose évidente. Aussi nous avons cherché des ressources lors de l’université d’été du Cridev en juillet dernier, qui réunissait bénévoles et salarié.e.s le temps d’une journée d’ateliers.
Dans la continuité des activités menées par le Cridev, cette journée nous a ouvert à de nouvelles lignes d’actions. Voici quelques unes de nos trouvailles :
– un atelier sur la radicalité, dont on voulait cerner les contours, et dont on a compris que l’on avait souvent affaire à des perceptions (qui se désigne radical ? qui est désigné radical ? qui désigne le radical ?), et d’opinions.
Or depuis que nous avons glané quelques propos de Miguel Benasayag 1, et on se dit que c’est avant tout une affaire de pratiques, qu’il n’y a pas d’opinions qui soient radicales : « l’hypothèse radicale est une pratique » ; « L’engagement n’est pas une question d’avis, d’opinion. L’engagement, le seul engagement sérieux passe par le corps. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille absolument se faire torturer ou passer des années en taule, mais – vraiment – qu’on vive différemment, qu’on développe vraiment une vie concrète différente. » ; « La seule radicalité passe par, vraiment, s’engager dans son corps, dans son temps, dans sa façon de vivre. ». C’est se dire « je ne me garde pas une issue de secours au cas où ça ne marche pas. » . « La radicalité passe par des pratiques différentes. Et ces pratiques, ce sont des pratiques différentes de vivre, n’est-ce pas ? Il s’agit d’avoir des images identificatoires de bonheur dites alternatives. Nous ne pouvons pas penser que nous sommes heureux en partageant les mêmes idéaux que les capitalistes nous imposent. La véritable radicalité passe par la possibilité de développer l’idée que nous pouvons être heureux d’une autre façon. »
– puis, un atelier d’introduction aux pédagogies critiques, et aux pédagogies non-oppressives, qui prennent leurs racines dans les travaux de Paulo Freire 2 et bell hooks 3. Ça nous amène à repenser l’oppression, ainsi que les voies pédagogiques qui visent à ne pas produire de nouvelles oppressions dans le rapport au savoir, et qui visent également à se libérer d’une oppression. Et avant tout, ça nous conduit à comprendre une contradiction qui réside dans relation oppresseur.ses /opprimé.e.s, et qui peut nous amener à être confus.e dans une double volonté de préserver le lien et de s’en libérer : « dans leur aliénation, les opprimés veulent à tout prix ressembler à l’oppresseur, l’imiter, le suivre. Ce phénomène est surtout courant chez les opprimés de la classe moyenne qui aspirent à être les égaux des hommes « éminents » de la classe supérieure. » ; « le paysan se sent inférieur au patron parce que le patron semble être le seul à savoir et à être capable de faire marcher les « choses ». Aussi longtemps que persiste leur ambiguïté les opprimés ne cherchent pas à résister et manquent de confiance en eux » ; « cela ne veut pas dire nécessairement que les opprimés n’ont pas conscience qu’ils sont écrasés. Mais leur immersion dans la réalité d’oppression, les empêchent d’avoir une claire perception d’eux-mêmes comme opprimés. A ce niveau, leur perception d’eux-même comme contraire de l’oppresseur ne signifie pas encore qu’ils s’engagent dans une lutte pour surmonter la contradiction ; un pôle n’aspire pas à sa libération, mais à son identification avec le pôle opposé. »
– puis un atelier à partir du jeu « Moi, c’est Madame ! » 4 , pour s’entraîner à répondre aux agressions verbales sexistes. En se disant que, ça fait du bien, que ça empuissance de répliquer aux agressions, même dans un jeu, que ça entraîne à la répartie et à répliquer. Et aussi, que si on n’est pas toujours à même de trouver la bonne phrase, la bonne tactique, ni de savoir la dire sur le vif, que l’on peut aussi agir après coup. De penser notre réponse sur un plus long terme, à travers le récit et l’analyse collective de ses situations d’agressions, à travers l’analyse de ce qu’on a tenté de faire, et à travers les stratégies encore possibles à mettre en œuvre. C’est ce que le livret produit par le Cridev « Sexisme en milieu professionnel et militant, quelles résistances ordinaire », propose de faire. 5 « Nous avons notamment pris conscience que, bien souvent, face à des situations d’agressions physiques, psychologiques, verbales, nous avons peu été formées/incitées à réagir pour les dénoncer, pour nous protéger. En fait, réagir nécessite de comprendre au moins en partie ce qui se joue lors d’une situation : les enjeux professionnels et/ou interpersonnels pour soi, son niveau d’énergie mentale aux moments des faits, les leviers d’action à sa disposition (ex : si présence de potentiel.le.s allié.e.s parmi les témoins…) ».
– et depuis un atelier pour regarder l’accompagnement des mobilités internationales au prisme du néo-colonialisme et de la françafrique, notamment à partir des analyses de l’association VIVAVI (voir les éditos précédents). Ça nous conduit à poursuivre les causeries sur ces thèmes, et à continuer de vouloir les croiser avec les solidarités internationales en allant observer de plus les logiques et les pratiques de l’humanitaire, du volontourisme, de l’aide d’urgence,…
ça ouvre pas mal de pistes, et aussi d’envies d’ateliers, de causeries, et le lecture collectives, qu’on imagine bien ouvrir à tou.te.s dans les semaines et mois à venir,
gardez un œil sur l’agenda, ça commence dès ce mois-ci,
à très vite!
Damien
Toutes les ressources citées sont disponibles au CRIDEV
1. Extraits du livre « Enrageons-nous – le livre », Claj & collectif Enrageons-nous – Brest.
2. Extraits du livre « Conscientisation. Recherche de Paulo Freire – Document de travail Inodep », 1971. (disponible en ligne sur le site de « bibliofreire ».)
3. bell hooks, « Apprendre à transgresser ». Editions Syllepse, 2019.
4. « Moi, c’est Madame. Le jeu qui impose le respect. » Axelle Gay & Elsa Miské. L’éclap, 2020.
5. « Sexisme en milieu professionnel et militant, quelles résistances ordinaires ? Outil produit dans le cadre d’un chantier collectif mené au Cridev », Cridev, 2021.