Ce mois-ci pas d’édito en grande pompe avec des images, des liens d’articles, des liens de vidéos, une réflexion politique collective…
Non rien de tout cela car ce mois-ci on fait nos comptes et on est submergé par les questions financières… Certes sous un aspect économique (il nous manque 46 000 euros en 2019 – soit plus d’un poste en moins) mais également sous un aspect éthique : et ça nous fait des nœuds dans la tête !!!
Petit partage de nos constats, hypothèses et questionnements.

Autour du CRIDEV nous constatons que les copains et copines, les autres associations d’éducation populaire (heu… à taille normale, pas les fédérations organisées en multinationales) et bien elles aussi elles en bavent pour survivre. Cela va :
– de la fermeture de l’association ;
– au passage d’une association avec des salarié-e-s à une association avec des bénévoles ;
– en passant par des formats hybrides de bidouilles pour finir à la fin du mois avec à peine l’équivalent d’un RSA ;
– ou encore les difficultés à créer sa structure et à trouver un local…
Les curseurs et conséquences sont variables mais les causes ne seraient-elles pas un peu communes ?
Quelques hypothèses :
– La baisse des financements en direction des collectivités : souvenirs de la Réforme Générale des Politiques Publiques (Merci Sarkozy !) avec diminution du nombre de fonctionnaires notamment… donc moins de personnes qualifiées pour suivre et accompagner au plus près les associations…
– Et puis la fin des emplois aidés en CAE-CUI (Merci Macron !)…
– Un manque de soutien de la part du ministère des affaires étrangères (via l’agence française de développement) en direction de l’engagement international des jeunes et de l’EADSI (voir le rapport Berville)…
– La part exceptionnelle faite aux subventions de fonctionnement/l’incorporation de la logique de projet par les institutions (heu ne serait-ce pas une logique ultra capitaliste ?).
– La mise en concurrence des associations (ô joie des appels d’offres et appels à projet !).
– L’augmentation des justificatifs administratifs (hum est-ce accessible à tout-e-s ?).
Bon et alors que doit-on faire pour s’en sortir ?
Un mix de financements : fonds publics, fondations, ressources propres, etc. Mais si nos postes passent plus de temps à chercher comment se financer, qu’en est-il des activités directes ? De l’intérêt général ?

Bon c’est le serpent qui se mord la queue… Comment sortir de tout cela ?
Comment continuer nos activités sans avoir le couperet au-dessus de la tête : licenciement économique, baisse du temps de travail… ?
Cette situation est donc pesante pour les salariées notamment, nous sommes payées entre 1300 et 1600 euros net nous avons entre 30 et 35 ans et il nous reste entre 32 et 40 ans à travailler pour pouvoir avoir une retraite (en se basant sur les calculs actuels)… et qui plus est une retraite assez miséreuse… (toujours en se basant sur les calculs actuels) ; nous ne pouvons pas nous autoriser des augmentations de salaires, pourtant globalement le coût de la vie augmente.
Alors on nous dit (dans certains milieux dits « alternatifs »…) que nous devons être créatives dans nos modes de logement, nos modes d’alimentation, nos modes de gardes d’enfants, faire de la récupération, acheter sur les braderies… Ha ok c’est ça la solution aux problèmes économiques et écologiques : la modification des comportements individuels ? Et le poids de la culpabilité qui le porte ?
Bon originellement la création d’emploi dans les associations avait pour but de permettre de dynamiser, de renforcer et de servir les projets associatifs… mais aujourd’hui avec les contorsions faites pour rentrer dans les cases des divers financeurs, ce sont les projets associatifs qui servent l’emploi… Bon c’est toujours le monde à l’envers on dirait ?
De la même façon, une part importante de financements de l’État pour l’action des associations d’éducation populaire s’est transformée en financements pour l’emploi (CAE, PEC, service civique, DLA, etc). Or l’emploi n’est pas notre politique. Notre politique ce sont les objets pour lesquels les associations se créent et existent, et qui se donnent le salariat comme moyen d’y parvenir.
À cet endroit, nous sommes concerné.e.s. et nous nous posons les mêmes questions que celles que nous travaillons habituellement au CRIDEV avec les personnes qui vivent des injustices et des inégalités sociales : qui produit ces niches de pauvretés ? À qui ça profite ? À quoi ça participe, ces travailleuses et travailleurs pauvres dont les responsabilités grandissent ?
Qui est concerné.e.s, et rencontre les mêmes problèmes ? Avec qui avons-nous ce vécu commun ?
Comme vous pouvez le constater encore des interrogations profondes, éthiques… et cette situation renforce notre détermination à lutter contre tous les rapports de domination.
Pour aller plus loin
« Financements – Les temps sont durs pour les associations »
Naïri Nahapétian et Philippe Frémeaux, Alternatives Économiques, 26/10/2018